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DURE DE DURER

20/05/2021

DURE DE DURER

Et le même constat peut être fait devant l’avalanche de films et de livres qui chaque saison inondent les salles et les vitrines des libraires. 
Cette apparente richesse qui ressemble plus à de la goinfrerie ne cache t’elle pas un malaise profond ? Celui d’un hyper consumérisme. 
Faut il pour autant ne pas se réjouir de notre capacité à créer… « quoiqu’il en coûte », car que serait un monde sans les artistes et leur «désir incurable de le guérir » ?

Pourtant cela fait des années qu’il faut soutenir « à bout de bras » les professions artistiques (dont je fais partie), un peu comme un poumon artificiel soutien et encourage la respiration pour éviter un collapse et la mort par asphyxie.
Et cette profusion tous azimut de créations artistiques, initiée dans les années Lang, ne corrige pas le fait que ce n’est qu’une minorité de la population qui est concernée par toutes ces offres.
De plus, à cause de l’engorgement provoqué par cette affluence, une grande majorité de ces spectacles ont une durée de vie très courte.
Dans ce contexte, comment une création peut-elle se déployer et mûrir si sa durée de vie est en moyenne de cinq représentions au plus, durée constatée de plus en plus souvent dans les théâtres et dans les festivals ?  
Privés du temps nécessaire pour que la presse et le bouche-à-oreille  fassent leur travail, tous ces spectacles qui n’ont pas le temps de s’affirmer et de s’affiner représentent au final un énorme gâchis.  Ma propre expérience me fait dire qu’un spectacle doit être joué au moins une dizaine de fois en publique et souvent plus pour arriver à maturation.
On peut mettre un an voir plus pour faire un spectacle de conte et finalement au bout de cinq représentations(peut-être 10 dans les meilleurs des cas) il finit par disparaître car il n'est pas assez vendu. Même les anciens spectacles, à cause de la surproduction actuelle n’ont plus ni espace ni temps pour continuer à être diffusé car seule la nouveauté compte.
Aujourd'hui il faut aller vite pour vivre de son art et il faut que ça marche et tout de suite !
Combien de créations se présentent trop tôt devant le public alors qu’il leur faudrait travailler encore sur du long terme pour grandir et s’affiner comme du bon vin ou un grand fromage ?…
Dans notre société de consommation les spectacles vivants sont devenu comme des objets jetables, des produits de moins en moins durables. 
Sauf les quelques rares spectacles «  best-sellers » que tout le monde veut.  
Pour beaucoup la vie d’artiste est un marathon où il faut « jouer des coudes » pour trouver sa place et courir longtemps, très longtemps…pour durer.
Et c’est dure de durer.
Jack 

À QUOI SERVONS-NOUS ?

26/12/2016

À QUOI SERVONS-NOUS ?

Si la culture  peut nous aider à affronter la dureté de la nature humaine et rendre plus intelligentes les relations des hommes entre eux,  il ne faudrait pas prendre la culture pour du commerce (et vice versa !) 

Et la culture ne sert à rien, si elle sert seulement à tromper l’ennui. 

Cette culture là est le reflet le plus fidèle de notre humanité actuelle en crise.

Si la poésie et ses métaphores peut nous aider à faire face à nos angoisses métaphysiques profondes, demandons-nous si nos arts conservent toujours ce rôle sacré...

Les artistes que nous sommes, nous avons à jouer une partie de plus en plus difficile. Car la violence économique et sociale qui taraude toute la société conditionne aussi la création artistique. Je crois pourtant que la création trouvera toujours un moyen de se faire.

Il le faudra bien ! Car la culture est le lieu où la violence se transforme en chant, en peinture, en film, en théâtre... Jamais la culture (et la politesse !) n'ont été si vitale.

En tant que conteur j'ai le culot de penser d'être utile à la société, que mon art participe à l'émancipation humaine. Mais après tout, qu'en pense la société ?

Pensent-t-ils que leurs enfants ont absolument besoin de nous ? Autant que de routes, d'hôpitaux, d'écoles ?

Ou sommes-nous désormais les vestiges indésirables d'un rêve déclaré irréalisable ?

C'est bien pour cela que nous devons nous mobiliser pour les citoyens qui n'ont pas accès à l'art ou que l'art n'intéresse pas et qui estiment que leurs impôts paient « une danseuse ».

 

 Comme conteurs nous pouvons explorer le conte sous toutes ses formes, à condition que nos images métaphoriques (issues entre autre du répertoire traditionnel dont nous avons la charge de le maintenir vivant)  épousent de près les méandres furieux de notre monde et intéressent les gens.

Sinon à quoi servons-nous ?...

 

Cette question de la contribution me semble primordiale car elle interroge aussi notre intention et notre responsabilité.
Souhaitons-nous poursuivre notre navigation entre nous, dans les eaux rassurantes de la culture et abandonner le grand public aux substances dopantes médiatiques télévisuelles  ?

Plutôt que de tous pêcher uniquement dans un bassin limité et ainsi se placer en concurrence les uns par rapports aux autres pour payer son loyer, pourquoi ne pas nous engager en plus au service de ce qui fait sens et citoyenneté  ?
En mettant en commun nos savoir-faire d'artiste et nos énergies de citoyens, n'est-il pas temps, pour nous aussi, de se tourner en direction des oubliés de la culture, afin de disposer d'une chance, même infime, d'influer sur la réalité sociale ?

Aurons-nous le courage de regarder le monde tel qu'il est et non tel que nous voudrions qu'il soit ? Et aurons-nous l'humilité de délaisser un peu nos anciennes réponses devenues obsolètes, au profit de nouvelles "actions culturelles", réfléchies et coordonnées ?

...à suivre !

jack

VOUS AVEZ DIT "NOUVEAU CONTE" ?...

14/12/2016

VOUS AVEZ DIT "NOUVEAU CONTE" ?...

Certains le décrivent même comme «chercheurs, auteurs, dramaturges, acteurs, autant de facettes qui caractérisent la figure du conteur» (Projet ICAR de la Maison du Conte et le Centre de Production de Paroles Contemporaines de Rennes, et la scène des arts de la parole de Pont-Scorff)

 

L'APAC (Association Professionnelle des Artistes Conteurs) dans sa définition de l'art du conte, précise: «...l'artiste conteur est relié de manière fondamentale à la tradition du conteur et non à celle de l'acteur. »

Alors ?...

Mais voilà, notre monde aujourd'hui a bien des égards est marqué par la dictature de la séduction et de la gonflette. On accorde souvent plus de crédit à ce qui se présente sous une forme habile, avec une technique de virtuose. On privilégie de plus en plus le simple effet sur le sens profond. Le spectaculaire est devenu une valeur. Voyez la politique...

 

Est-ce à cause de cela que la grammaire théâtrale et "les feux de la rampe" fascinent de plus en plus d'artistes conteurs pour raconter des histoires ? A moins que cela soit le seul chemin viable qu'il faille emprunter pour survivre et rendre visible le conte auprès du public  ? Au risque de se faire enfermer dans un nouveau genre auquel il faudrait à tout prix se conformer...

 

Et si nous, artistes de la parole, on essayait moins de vouloir «rhabiller» systématiquement notre parole d'éléments de «modernité», mais plutôt on cherchait avant tout l'essentiel de notre récit et sa pertinence pour notre monde d'aujourd'hui ?

 

Raconter une histoire, à voix nue, avec sa simple mais profonde humanité, voilà bien un chantier à (re)conquérir après avoir trop utilisé les «stratégies du spectaculaire».

 

Sinon, dans ce monde en perte de sens, on aura l'air malin avec nos histoires...gesticulées.

 

Jacques

LE(S) LABO(S) D'ABBI PATRIX À LA MAISON DU CONTE DE CHEVILLY

02/06/2016

LE(S) LABO(S) D'ABBI PATRIX À LA MAISON DU CONTE DE CHEVILLY

C’était un lieu non pas de formation, mais fait pour la recherche et l'accompagnement. Un espace dédié à l’art du conte comme art singulier de la scène.

Une aventure complètement atypique. C'est le qualificatif qui s'impose pour décrire le (les)Labo(s) créé par Abbi Patrix à la Maison du Conte de 2003 à 2016.

On y accueillait les artistes conteurs-euses professionnels désireux de mener en collectif une réflexion et un travail de fond pour approfondir et forger leur propre langage.

 

Le(s) Labo(s) s’était avant tout prendre du temps ensemble pour confronter nos questionnements, y développer une pratique et une exigence artistique par le biais de recherches et d’expérimentations, sans obligation de résultat, sans limite formelle dans le temps. 

Il n’y avait pas d'argent en jeu mais un engagement pour celui et celle qui acceptait de se mettre en danger. Nous avions droit à l'erreur, à trébucher, à chuter. Et il fallait souvent en passer par toutes ces étapes pour trouver sa propre parole, innover et faire évoluer son écriture. 

Pour la Maison du Conte c’était un investissement énorme qui permettait aux conteurs-euses des Labos de se retirer un temps du système économique et de création pour se remettre en question. 

Une démarche audacieuse et rare dans un contexte où les artistes professionnels ont de moins en moins de temps et de moyens.

 

Mais ce n’était pas si facile !...

Nous devions d'abord apprendre à mettre de côté nos mécanismes, nos formatages et nos certitudes. Cela prenait souvent du temps. Et ce n’est qu’après un certain «lâcher-prise» que nous nous autorisions à...

...Ouvrir des portes, tenter des pistes, explorer les potentiels du collectif pour être sûr d'avoir atteint le fondement, la racine de nos questionnements.

Il n'existait aucune obligation ni de spectacle ni de projet de création et ce n’était pas le propos. Ce qui était important c’était l’axe de recherche et son âpreté, dont Abbi Patrix était le garant.

Pour cela nous avons été souvent guidé par des gens qui n’était pas forcément venus du conte. Tous ont alimenté notre recherche par le décalage et la prise de recul qu’ils nous incitaient à faire :  des artistes conteurs plus expérimentés, un philosophe, une sociologue, un chanteur, des danseurs-mouveurs, des metteurs en scène de théâtre, des musiciens, des auteurs, un cinéaste,  etc, etc.  

 

Alors, quels souhaits maintenant pour l'avenir ?

Qu'il y ait d'autres lieux partenaires, pour créer d'autres perspectives et faire naître d'autres Labos et son esprit de recherche... Continuer à transmettre avec un haut degré d'exigence artistique... et humain !

 

Alors pour Abbi Patrix, toute ma reconnaissance et merci pour tout ce que tu as permis...et à suivre !!

 

Jack

CONTE ET CRISE ÉCONOMIQUE : QUELS ENJEUX ?

16/04/2016

CONTE ET CRISE ÉCONOMIQUE : QUELS ENJEUX ?

Inutile de se voiler la face : le monde des artistes va vers une situation critique et même ceux qui font semblant de ne pas trop le remarquer, au fond, le savent bien.

Même si les indicateurs virent au rouge, le contexte de crise doit être propice à l’imagination et à l'innovation.

Quelle est notre capacité à en prendre réellement conscience ? De prendre les choses en main ?

Tout dépend de nous, les artistes conteurs ou les autres. Nous sommes les premiers à devoir agir. Sinon qui le fera ? 

 

Il importe que chaque conteur(se) «pro»  trouve sa place économique. D’où cette confrontation entre la dimension artistique et les aspects marchands de notre métier. 

L’artiste conteur «pro» a choisi de vivre de son art. Prenant sa part dans la collectivité, il dispose comme les autres artistes, d’un statut social, juridique et économique. 

Mais son projet artistique ne prend sens que dans le cadre d'une professionnalisation, accompagnée d'une grande exigence artistique, ainsi que dans une réalisation aboutie mais surtout...vue, entendue et diffusée !!

 

Alors même que le monde de la culture est, comme le reste, en proie à une récession, il est plus que jamais urgent d'inventer de nouvelles formes de collaboration, et de compagnonnage...

Dans cette période difficile, qui risque de durer longtemps (!), où les budgets artistiques  rétrécissent à vue d’œil, où, pour beaucoup, travailler deviendra «un luxe», il sera d’autant plus nécessaire, de nous battre et de mettre en place de la coopération et de la solidarité.

Mutualiser les savoir-faire et les moyens, multiplier par exemple le nombre de "scène pro" pour que l’art du conte soit encore plus visible (comme les autres arts), et reste un "en-jeu" commun...malgré la fameuse «solitude du conteur de fond»... 

Des connivences nouvelles sont à inventer et de la confiance à (re)trouver qui permettront à un maximum de conteurs(ses) «pro» de continuer à gagner leur vie en racontant le monde et à le vouloir plus vivant. 

 

Cela ne pourra se faire sans l'indispensable définition de ce qu’est le métier de conteur et sa spécificité.

L’APAC (Association Professionnelle des Artistes Conteurs), pourrait devenir (avec d’autres collectifs d’artistes du conte déjà existants) l’antichambre de ces nouvelles promesses.

Il y a urgence... et nécessité !


Jacques Combe